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Crépuscule à Tokyo

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les avis de Cinemasie

2 critiques: 4.5/5

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Xavier Chanoine 4 Un grand film dramatique.
Ordell Robbie 5 Un mélodrame valant beaucoup mieux que sa réputation d'Ozu mineur
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Un grand film dramatique.

Dans sa perspective de toujours renouer avec le mélodrame définitif, véritable chronique d'âmes en perte de repères dans un espace où tout leur fait face, Ozu signe un chef d'oeuvre du cinéma dramatique et donne en même temps à Arima Ineko (Akiko) et Hara Setsuko (Takako) deux rôles extraordinaires. La première, à la beauté divine, bouleverse par son charisme et sa personnalité taillée dans le diamant surtout que son personnage est loin de faire dans la simplicité. Elle se cherche, questionne son entourage, culpabilise jusqu'à remettre en cause ses propres racines (sacrilège dans la philosophie nippone), malgré l'aide et la bonne volonté de sa soeur, Takako, interprétée une nouvelle fois sublimement, accuse le poids des difficultés sur ses épaules et se débrouille tant bien que mal pour ne pas mettre à mal l'ambiance familiale et casser les liens déjà bien fragiles. Il faut voir en effet Ryu Chishu dans la peau d'un père -comme d'habitude- très sec et autoritaire encaisser sans broncher la douleur commune de ses deux filles.

Crépuscule à Tokyo est aussi le dernier film en noir et blanc de son auteur, poussant depuis Printemps tardif son style à son summum (qui trouvera néanmoins un traitement et un rigueur définitive dans Dernier Caprice, son avant-dernier film) et c'est pourquoi il distille toutes les saveurs du cinéma riche d'Ozu, aussi bien fondamental que formel. Car toute la douleur qu'éprouve chaque personnage, tout le poids des difficultés, se ressent au travers d'une mise en scène basse, stricte, cumulant les plans vides sans signification, juste là pour "combler" tout moment de silence comme il se doit, ou bien pour oublier le temps de quelques secondes (une montagne, un hall d'entrée, un jardin) la mélancolie de ses protagonistes, de ces deux soeurs -fabuleuses-, éreintées par ce qu'elles vivent à cause des retrouvailles plus que tumultueuses avec leur mère, disparue depuis des années après le retour de leur père des suites de la guerre. Mais ce long-métrage peut-être perçu aussi comme une longue discussion de la vie de tous les jours, autour d'un carafon de saké et d'un jeu de mah-jong. Crépuscule à Tokyo demeure aussi un Ozu difficile et pessimiste, inoubliable grâce aux deux actrices qui mènent le bal, et il est aussi important de noter que, une fois n'est pas coutume, une personne réussit à faire un poil d'ombre à l'une des plus grandes du cinéma japonais classique (Takamine Hideko à part) et cette personne n'est autre que Arima Ineko, qui n'a pas eu la carrière qu'elle méritait et c'est bien triste.



24 février 2007
par Xavier Chanoine




Un mélodrame valant beaucoup mieux que sa réputation d'Ozu mineur

Crépuscule à Tokyo est un Ozu mal aimé, mal accueilli en son temps par la critique qui y voyait un ratage, un film manquant de la "subtilité" habituelle chez le cinéaste. Au point que l'excellent livre d'Hasumi Shiguéhiko disponible dans la collection Cahiers du Cinéma se retrouve à l'évoquer de façon suffisamment longue et détaillée afin de réhabiliter sa place dans l'oeuvre ozuienne. Et le visionnage de ce mélodrame poignant et noirissime donne envie de se faire le fervent avocat de cette cause-là. Ce qui m'amène à rappeler qu'il y a deux visions cinéphiles dans l'appréciation de ce genre si décrié: l'école Sur la Route de Madison qui aime que le mélodrame soit adulte, retenu, suggestif et mettant à l'index toute vélléité allant dans le sens opposé comme une "facilité", alors que l'emphase ou la retenue (de meme que le fait de montrer ou de suggérer) sont deux directions cinématographiques pouvant donner leur lot de chefs d'oeuvre ou de navets suivant leur dosage ou la manière dont on les utilise (rayon emphase les films de Douglas Sirk sont des sommets du cinéma mondial tandis que Dancer in the Dark est un sombre navet). Etant plus proche de cette seconde vision que de la seconde que je trouve très dogmatique et cinéphiliquement correcte (vision qui peut amener à encenser des films catenaccio qui évitent les pièges de leur sujet plutot que de le transcender), j'ai encore plus envie de défendre cet Ozu-là. Parce que oui c'est un film peu suggestif mais à une échelle ozuienne, on est quand meme loin de l'exacerbation ultravisible des sentiments chez Woo, Sirk ou Almodovar et de l'emphase assumée présente chez ces (grands) cinéastes, c'est un espèce d'entre deux qui n'est pas compromis mou du genou mais bonne distance de regard de cinéaste sur son sujet.

Ozu fait d'ailleurs de la répétition une brillante arme frappant en plein coeur : la répétition du motif du froid (les personnages parlent plusieurs fois dans le film de cette sensation-là et la neige y vient changer le cours d'une conversation), répétition de plans de personnages différents quittant les memes lieux, répétitions des parties de mahjong, répétition de ces moments où les personnages sont assis silencieux à mesurer l'étendue de leur désespoir. Ces répétitions sont porteuses d'une insistance accroissant la dimension dramatique du film ou enfonçant le clou du ton noirissime du film. Audace d'Ozu par rapport au genre néanmoins: le film commence là où la plupart de ses autres se finissent mais aussi là où la plupart des mélodrames se finissent, lorsque la question du mariage consenti ou pas est réglée. Un postmélodrame? Oui mais aussi la continuation de l'Amour d'une Mère, Ozu de la période muette à la fin plus optimiste malheureusement perdue mais qui savait déjà prendre le spectateur quasi-physiquement, un pendant parlant où ne subsisterait que la noirceur d'avant sa fin et où la question du père absent et de ce que son absence a pu laisser comme questions en suspens vis à vis des enfants a été remplacée dans la narration par celle de la mère absente. Un mélodrame qui a son lot de scènes déchirantes sauf qu'Ozu ne les met pas en conclusion mais juste avant la conclusion ozuienne attendue: SPOILERS la scène du lit de mort avec le si décrié discours de la malade (qui n'est que désir de vitalité exhibé au grand jour dans une oeuvre d'une grande noirceur) qui justifie à elle seule les choix ozuiens (sa retenue habituelle aurait donné un film évitant les pièges de la scène sans la transcender émotionnellement, un pathos excessif aurait encouru le risque de l'apitoiement, le score du film est d'ailleurs à cette image), l'ellipse qui s'en suit à l'efficacité lacrymale n'ayant rien à envier au meilleur de Kitano versant mélo, l'annonce de la mort faite à la mère, celle du "bouquet de fleur", l'attente dans le train. FIN SPOILERS

Pour le reste, c'est le dernier Ozu avant le passage à la couleur, il est impeccablement découpé rythmiquement (sans les quelques plans un peu trop longs qu'on trouve souvent chez le cinéaste) et on y trouve déjà le naturel dans l'exécution du "système Ozu" (troupe d'acteurs, manière d'évoquer la culture de son pays au travers d'un type de cadrage, de montage et de distance à l'objectif) des Ozu en couleur. Et finalement il vieillit bien mieux que d'autres Ozu favoris des référendums critiques et cinéphiles. Un chef d'oeuvre du mélodrame et un chef d'oeuvre tout court.



01 janvier 2004
par Ordell Robbie


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